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Santé : ne devrait-on pas cibler la graisse viscérale avant l’obésité ?

Qu’il s’agisse de surpoids ou d’obésité, la surcharge pondérale constitue un facteur de risque important pour la santé. Si les effets néfastes de l’obésité sont plutôt bien identifiés, les risques liés à un « simple surpoids » le sont beaucoup moins. Cet angle mort est d’autant plus dommageable qu’une part croissante de la population – près de la moitié – est en surpoids.

En France, 30 % de la population adulte est en surpoids et 17 % sont touchés par l’obésité. Si les conséquences psychologiques et sociales (mal-être, dépression, isolement…) sont bien connues, les risques sanitaires sont également très inquiétants.

Diabète de type 2, maladie du « foie gras humain » (NASH), cholestérol, hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires sont autant de pathologies souvent liées à la surcharge pondérale. Cette dernière présente donc des risques majeurs dont il faut se saisir, et ce préalablement aux dégradations de l’état de santé que cause inévitablement le surpoids et l’obésité.

La surcharge pondérale, un risque sanitaire important

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) indique qu’environ 2 milliards d’adultes sont en surcharge pondérale, parmi lesquels 650 millions sont concernés par l’obésité. Le surpoids, en général, est un facteur de risque important pour de nombreuses maladies chroniques, notamment les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2, mais aussi les troubles musculosquelettiques comme l’arthrose.

Selon une étude menée par le World Cancer Research Fund (WCRF) et l’American Institute for Cancer Research (AICR), il existe une importante corrélation entre surcharge pondérale et augmentation du risque de développement de cancer dans 14 localisations, dont le sein (après ménopause), l’estomac, la prostate, le foie, le pancréas ou le côlon.

Prendre conscience des risques sanitaires engendrés par la surcharge pondérale permet notamment de changer les habitudes alimentaires afin de limiter, voire d’arrêter, le développement de ces cancers.

L’Institut national du cancer (Inca) estimait en 2015 qu’environ 19 000 nouveaux cas de cancer étaient directement attribuables au surpoids ou à l’obésité en France. « Le cancer du sein et le cancer colorectal sont les plus fréquents parmi les cancers attribuables à la surcharge pondérale », explique l’Inca. Veiller à ne pas prendre de poids et lutter contre le surpoids sont donc des moyens efficaces de prévention de la plupart des cancers.

Le tour de taille, un facteur de risque pertinent

La surcharge pondérale est inéluctablement un facteur de risque particulièrement important. L’augmentation exponentielle du nombre de personnes en surpoids ou concernées par l’obésité en France, et dans le monde, préoccupe. La corpulence, mesurée grâce à l’IMC, ne suffit pas à prévenir de ce type de pathologies.

Le tour de taille est certainement un indicateur plus efficace de détection du risque cardiovasculaire et métabolique, et des maladies chroniques qui s’y rapportent. « Tous les 5 centimètres d’augmentation du tour de taille, le risque de mortalité augmente de 17 % chez l’homme et de 13 % chez la femme, et ce, indépendamment de l’IMC ou d’autres facteurs de risque », rappelle Rémy Legrand, concepteur de la méthode médico-diététique de perte de poids RNPC (Rééducation Nutritionnelle et Psycho-Comportementale) et fondateur du Groupe Éthique & Santé.

L’IMC est critiqué par de nombreux chercheurs, à cause de son incapacité à décrire fidèlement et précisément l’état de santé d’une personne. « Une prévalence élevée de facteurs de risque cardiométaboliques chez les hommes de poids normal et en surpoids suggère que d’autres mesures que l’IMC sont nécessaires pour évaluer plus précisément l’état de santé cardiométabolique d’une population », explique le rapport scientifique « Prévalence du surpoids, de l’obésité et des facteurs de risque cardiométaboliques dans la cohorte Constances », paru en 2016 dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH).

Fredrik Karpe, professeur de médecine au Oxford Center for Diabetes, Endocrinology and Metabolism, estime que c’est plus spécifiquement l’accumulation de graisse viscérale qui a des « des effets néfastes » pour la santé. Cette dernière — qui désigne la graisse située dans le système viscéral, aussi bien dans la cavité péritonéale (entre les organes abdominaux et les muscles) que dans des organes tels que le cœur, le foie, les reins, le pancréas, etc. — serait un facteur de risque extrêmement important. « Elle peut provoquer des syndromes métaboliques, comme le diabète de type 2, l’hyper cholestérol, une tension artérielle élevée ou des risques de maladies cardiovasculaires », affirme Florence Rossi, responsable des unités diététiques à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille.

Pour Rémy Legrand, concepteur de la méthode RNPC, et président de l’Union Française pour la Santé Cardio-Vasculaire et Articulaire (UFSCVA), le tissu adipeux viscéral est un « véritable organe endocrine qui sécrète des substances », à savoir les adipokines. Libérées en excès dans la circulation sanguine et au niveau local, les adipokines peuvent constituer un lien entre l’expansion du tissu adipeux viscéral et les nombreuses maladies associées à la surcharge pondérale, dont celles évoquées précédemment, mais aussi la stéatohépatite métabolique (ou NASH, pour non-alcoholic steatohepatitis), dont la prévalence a explosé ces dernières années — on recense près de 20 % de la population mondiale souffrant de cette pathologie.

La NASH est une maladie évolutive particulièrement grave, qui peut à terme nécessiter une greffe du foie dans les cas les plus extrêmes. Elle peut aussi réduire l’efficacité des médicaments, le foie jouant un rôle important dans le métabolisme de ces derniers. Une double peine pour les personnes en surpoids, qui doivent bien souvent soigner leurs maladies par l’intermédiaire de traitements médicamenteux, comme c’est le cas pour l’hypertension artérielle ou le diabète.

Plus que l’IMC, c’est donc le tour de taille — et a fortiori la graisse viscérale — qui serait le principal facteur de risque. Sa réduction, ainsi que sa détection dès le « simple » stade de surpoids permet, dans l’immense majorité des cas, d’améliorer l’état de santé des patients.

La réduction du tour de taille, une voie vers la rémission de plusieurs pathologies

La graisse viscérale, contrairement aux autres types de graisse, a la particularité de pouvoir être « perdue » beaucoup plus rapidement, comme l’explique le Pr Frederik Karpe : « Le renouvellement de la graisse viscérale est plus dynamique. Si vous ne mangez pas, elle se réduit beaucoup plus rapidement que les autres dépôts de graisse ».

Une réduction du tour de taille peut d’ailleurs avoir des effets bénéfiques importants : une perte de poids de 10 à 15 % du poids initial pourrait ainsi permettre une rémission du diabète de type 2, selon une étude publiée dans Diabetic Medicine en 2019 et réalisée par une équipe de l’université de Cambridge. Plus spécifiquement, les chercheurs ont analysé les résultats de la cohorte ADDITION-Cambridge, menée auprès de 867 participants âgés de 40 à 69 ans et diabétiques de type 2. Les participants qui ont perdu au moins 10 % de leur poids initial au cours des cinq premières années suivant le diagnostic avaient deux fois plus de chance d’obtenir une rémission du diabète que les personnes qui avaient seulement maintenu leur poids initial.

Plusieurs études conduites auprès d’une cohorte de patients ayant suivi le programme RNPC semblent aller dans le même sens. La méthode, qui a été développée à partir des enseignements de l’étude DiOGenes, est non médicamenteuse, et associe corps médical et diététiciens pour une véritable prise en charge multidisciplinaire. Les patients suivant ce programme perdent en moyenne 11 % de leur poids initial au cours de la phase d’amaigrissement, première étape du protocole de perte et de stabilisation pondérale.

Une étude publiée en 2019 dans Obesity Medicine a analysé les données de 10 809 patients ayant fait confiance à la méthode RNPC. 78 % de ceux présentant une stéatohépatite métabolique et 68 % de ceux présentant un syndrome métabolique ont obtenu une rémission de ces pathologies grâce à leur perte de poids. Les résultats d’une autre étude, publiés dans Nutrients en 2022, montrent par ailleurs une amélioration de la fonction rénale chez les patients d’une cohorte RNPC atteints d’hyperfiltration glomérulaire ou d’insuffisance rénale chronique de grade 2 ou 3.

Ces nombreuses études tendent à montrer que la perte de graisse viscérale et la réduction du tour de taille sont les combats à mener par les personnes en surpoids. Une approche double, à la fois diététique et médicale, mais non médicamenteuse, pourrait donc bien être la méthode la plus efficace pour résoudre ou atténuer les nombreuses pathologies causées par la surcharge pondérale.

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